Quand les supraconducteurs donnent le ton aux ferromagnétiques

Des chercheurs de l'Université de Fribourg et de l'Institut Paul Scherrer (PSI) ont découvert une nouvelle forme de coexistence entrela supraconductivité et le magnétisme qui à l'avenir pourrait s'avérer utile dans des applications techniques, par exemple dans ledomaine des ordinateurs quantiques. Les résultats de la recherche sont publiés dans un article de l'édition online du journalscientifique Nature Materials.

Justin Hoppler (doctorant, Uni Fribourg et PSI) et Jochen Stahn (PSI) préparent le mesurage des neutrons dans le système de couches fines.

Le ferromagnétisme et la supraconductivité sont des phénomènes physiques opposés qui ne cohabitent pas bien ensemble. On peut cependant forcer leur coexistence en disposant en alternance de minces couches de ferromagnétiques et de supraconducteurs. Des chercheurs de l'Université de Fribourg et de l'Institut Paul Scherrer ont analysé ce qui se passe lorsque l'on utilise dans ce cadre un supraconducteur à haute température et sont parvenus à un résultat étonnant. Le supraconducteur à haute température donne le ton et modifie fondamentalement l'état du ferromagnétique. Ces états de compromis résultant de la compétition entre la supraconductivité et le ferromagnétisme présentent des caractéristiques qui pourraient à l'avenir s'avérer utiles dans des applications techniques, comme par exemple dans le domaine des ordinateurs quantiques. Pour faire part de leur découverte, les chercheurs viennent de publier un article dans l'édition online du journal scientifique Nature Materials.

La supraconductivité domine le magnétisme: au début de l'expérience, les couches ferromagnétiques (M) sont magnétisées de manière identique (à gauche). Lorsque le système est à tel point refroidi que les couches supraconductrices (S) perdent leur résistance, la magnétisation se transforme de manière radicale (à droite).

Influence inattendue

Pour effectuer leurs recherches, les scientifiques ont disposé en alternance des couches de 10 nanomètres d'épaisseur du supraconducteur Y0.6Pr0.4Ba2Cu3O7 et du ferromagnétique La2/3Ca1/3MnO3. Profitant du fait que ces oxydes s'empilent très bien les uns sur les autres, ils ont pu les combiner en structures de couches de très haute qualité. Au début de l'expérience, toutes les couches ferromagnétiques sont aimantées de manière identique. En refroidissant l'échantillon, les chercheurs font en sorte que les couches supraconductrices perdent leur résistance électrique, avec pour conséquence une modification immédiate de la magnétisation : chaque deuxième couche est alors aimantée deux fois plus puissamment qu'auparavant, tandis que les autres ne le sont pratiquement plus. Les chercheurs expliquent ce phénomène surprenant par le fait qu'il existe plusieurs états possibles dans le matériel magnétique. Ce sont les conditions externes et différents facteurs qui influent très sensiblement sur ces états.

Quelle application pratique?

Les systèmes des couches fines dans les matériaux magnétiques ont, grâce à leurs propriétés inhabituelles, révolutionné l'électronique moderne. C'est ainsi que le nouveau phénomène pourrait permettre des applications intéressantes. Le travail démontre que les structures en couches d'oxydes offrent un important répertoire de caractéristiques inhabituelles.

Dr. Jochen Stahn
Laboratory for Neutron Scattering
ETH Zurich & Institut Paul Scherrer PSI

+41 56 310 2518  
Jochen.Stahn@psi.ch 

Prof. Dr. Christian Bernhard
Department of Physics and Fribourg Center for Nanomaterials – FriMat
University of Fribourg, Chemin du Musée 3
CH-1700 Fribourg

+41 26 300 90 70
Christian.Bernhard@unifr.ch

  • Hoppler J, Stahn J, Niedermayer C, Malik VK, Bouyanfif H, Drew AJ, et al.
    Giant superconductivity-induced modulation of the ferromagnetic magnetization in a cuprate-manganite superlattice
    Nature Materials. 2009; 8(4): 315-319. https://doi.org/10.1038/nmat2383
    DORA PSI

À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur des technologies d'avenir, énergie et climat, innovation santé ainsi que fondements de la nature. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2300 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 460 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l'Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage). (Mise à jour: juin 2024)