Spécial: De l’espoir pour les enfants cancéreux

Les jeunes patients sont les premiers à bénéficier d’une radiothérapie par protons contre le cancer. Heureusement, le Centre de protonthérapie du PSI a acquis une expérience considérable dans ce domaine, au cours des deux dernières décennies: ses compétences sont demandées par les cliniques d’oncologie pédiatrique de toute la Suisse.

Elle apprécie la collaboration avec le PSI et le directeur du Centre de protonthérapie, Damien Weber (à droite): Katrin Scheinemann, oncologue à l’hôpital pédiatrique de Suisse orientale de Saint-Gall et présidente du Groupe d’oncologie pédiatrique suisse (SPOG). © Scanderbeg Sauer Photography

Un garçonnet de 6 ans est allongé sur une table d’examen et dort profondément. Un réseau rigide en plastique est ajusté à la forme de sa tête et l’empêche de bouger pendant son sommeil. L’appareil de radiothérapie rotatif, appelé Gantry, est déjà orienté vers son crâne. La technicienne en radiologie du PSI vérifie une dernière fois que l’enfant est correctement étendu, avant de quitter l’espace. Depuis la salle de contrôle attenante, elle lance le faisceau de protons.

Un faisceau de protons concentré sort alors de la tête d’irradiation de Gantry et balaie la tumeur dans le cerveau du jeune patient, au millimètre près. Ces particules riches en énergie détruisent le matériel génétique des cellules cancéreuses, si bien qu’elles meurent. Le principe est le même que pour la radiothérapie classique à l’hôpital, qui utilise des rayons X. Mais les protons présentent un avantage décisif par rapport à ces derniers: lors de l’irradiation, ils déposent la majeure partie de leur énergie dans une portion très étroite de l’organisme, c’est-à-dire dans la tumeur proprement dite – et ils y restent. Ainsi, les tissus sains situés devant et derrière la tumeur sont épargnés. Autrement dit, ils seront moins endommagés que lors d’une radio thérapie classique.

Les enfants atteints du cancer profitent tout particulièrement de la protonthérapie, explique Damien Weber, médecin-chef et directeur du Centre de protonthérapie (CPT) au PSI. «Les enfants sont en pleine croissance et lorsque des cellules saines situées près de la tumeur sont endommagées durant la radiothérapie, elles sont susceptibles de transmettre ces dommages à toujours plus de cellules à chaque division cellulaire ultérieure.» Par ailleurs, dans un corps de petite taille, la probabilité qu’une structure critique – comme la colonne vertébrale ou le cerveau – se trouve à proximité de la tumeur est beaucoup plus importante que dans l’organisme bien plus grand d’un adulte.

Pour les enfants, le risque que le traitement d’un cancer par radiothérapie occasionne des dommages à long terme (dont ils auront à souffrir durant le reste de leur vie) est donc plus important: cela va des tumeurs induites par la radiothérapie aux difficultés d’apprentissage, en passant par les pertes d’audition et les troubles de la croissance. «Lorsqu’un enfant en Suisse a besoin d’une radiothérapie ciblée contre le cancer, la protonthérapie ultraprécise est presque toujours une méthode de radio thérapie de choix», relève Damien Weber.

Une histoire à succès

C’est depuis 1999 que le Centre de protonthérapie traite des enfants et des adolescents atteints de cancer. En 2004, un bambin a été soigné sous narcose par protonthérapie: il venait d’avoir 2 ans et souffrait d’une tumeur des tissus mous au niveau de l’orbite. Contrairement aux adultes, les très jeunes patients ont besoin d’une anesthésie. «Une radiothérapie aussi précise que la protonthérapie n’a aucun sens si la personne bouge pendant le traitement, explique Damien Weber. Or, pour les petits enfants, il est extrêmement difficile de demeurer immobile pendant toute la durée de l’irradiation.» Une narcose légère permet que les enfants dorment et restent tranquilles pendant que le faisceau de protons antitumoral fait son travail. Dans l’ensemble, près de la moitié des enfants et des adolescents de moins de 18 ans sont irradiés sous anesthésie.

Depuis 2004, le Centre de protonthérapie du PSI et le service d’anesthésie de l’Hôpital pédiatrique universitaire de Zurich coopèrent étroitement. Cette collaboration permet qu’un médecin-chef et un infirmier anesthésiste de l’hôpital pédiatrique soient présents à l’institut: ils commencent la narcose, surveillent l’état des petits patients, changent les pansements et assurent de manière générale les meilleurs soins possible.

«Avec les enfants, nous prenons tout notre temps, souligne Ilka Schmidt-Deubig, médecin-chef anesthésiste à l’Hôpital pédiatrique de Zurich. Le but est d’éviter de les confronter chez nous à une atmosphère hospitalière.» C’est pourquoi l’équipe fait toujours venir les parents et leur enfant au moins une demi-heure avant la radiothérapie. Ils peuvent ainsi arriver tranquillement dans la salle de jeux spécialement aménagée à cet effet. «Au bout d’une ou deux semaines, même les enfants traumatisés finissent par nous faire confiance», affirme la spécialiste.

Au début du traitement du cancer, les enfants reçoivent un cordon avec leur prénom composé de lettres en perles multicolores. «Au fil des soins, de nouvelles perles viennent s’y ajouter, explique Ilka Schmidt-Deubig. Ce sont les perles du courage.» Par exemple, lorsque le cathéter à chambre implantable est posé pour que l’anesthésiste administre des médicaments. Une perle thérapeutique avant l’irradiation. Une perle de jeûne, parce que l’enfant ne doit ni boire ni manger avant la narcose – ce qui n’est pas toujours facile lorsqu’on a faim ou soif.

Entre 60 et 70 enfants et adolescents sont traités chaque année au PSI, soit, à ce jour, plus de 800 jeunes patients au total. La plupart souffrent de tumeurs du cerveau et de la moelle épinière. Viennent ensuite les sarcomes, c’est-à-dire des cancers issus des tissus conjonctifs, des tissus de soutien ou des tissus musculaires.

Les perles de courage accompagnent les enfants et les adolescents atteints du cancer tout au long de leur traitement. Les perles de verre colorées sont fabriquées par des bénévoles. © Paul Scherrer Institut PSI/Markus Fischer

Un centre de compétence pour toute la Suisse

«Le traitement du cancer chez les enfants qui ont besoin d’une narcose pendant la radiothérapie nécessite davantage de planification, explique Katrin Scheinemann, responsable des services d’hématologie et d’oncologie pédiatriques à l’Hôpital pédiatrique de Suisse orientale de Saint-Gall. Nous sommes donc ravis d’avoir, en Suisse, un centre de radiothérapie aussi expérimenté que celui du PSI. Par comparaison avec d’autres pays, nous disposons de l’un des centres de protonthérapie les plus anciens, spécialisé dans l’irradiation des enfants.»

Katrin Scheinemann préside le Groupe d’oncologie pédiatrique suisse (SPOG), un réseau de neuf centres suisses possédant un service d’oncologie pédiatrique. Avec l’Hôpital pédiatrique de Suisse orientale de Saint-Gall, ce réseau comprend les hôpitaux universitaires de Berne, Bâle, Zurich, Lausanne et Genève, de même que les hôpitaux pédiatriques de Lucerne, Aarau et Bellinzone. En tant qu’organisation à but non lucratif, le SPOG coordonne et est responsable des études cliniques et des programmes de recherche sur le cancer chez les enfants et les adolescents de Suisse.

Une chose est sûre: les enfants et les adolescents sont toujours traités selon les directives de protocoles internationaux. «De fait, peu importe dans lequel des neuf centres les parents se rendent avec leur enfant: ils reçoivent partout le même traitement et donc la meilleure qualité de soins.»

Le PSI traite environ 70% des enfants en Suisse qui ont besoin d’une radiothérapie ciblée. Le CPT est ainsi devenu le plus grand centre de radiothérapie pédiatrique.

Des perspectives prometteuses

Pour le garçonnet de 6 ans, la séance de radiothérapie est à présent terminée. Tout s’est bien passé. Le faisceau de protons riches en énergie a balayé la tumeur dans son cerveau pendant vingt minutes environ. La technicienne en radiologie lui retire le masque facial et l’emmène, toujours endormi, dans la salle de réveil, où ses parents l’attendent. Il pourra s’y reposer en toute tranquillité et s’y ranimer complètement.

La séance de radiothérapie suivante est prévue le lendemain. Au total, six semaines de traitement, du lundi au vendredi. Une période qui n’est facile à vivre ni pour les enfants ni pour leurs parents. Mais il y a de l’espoir: les chances de guérison d’un cancer pédiatrique ont considérablement augmenté durant ces dernières décennies. Selon le registre suisse du cancer de l’enfant, le taux de survie à dix ans en Suisse, chez les enfants atteints d’un cancer diagnostiqué entre 1989 et 1998, était de 76%. Vingt ans plus tard, pour la période comprise entre 2009 et 2018, ce taux était passé à 85%. On peut s’attendre à ce que ces chiffres s’améliorent encore dans la prochaine décennie. Et les traitements au CPT du PSI y contribueront certainement.

Texte: Brigitte Osterath

Des études pionnières

Hormis les études pédiatriques, le PSI est également impliqué dans des études cliniques sur le traitement du cancer chez l’adulte. Actuellement, on recrute des participants pour l’étude clinique européenne PROTECT, à laquelle contribuent le PSI et la Clinique de radio-oncologie de l’Hôpital universitaire de Zurich. PROTECT compare les effets indésirables de la radiothérapie conventionnelle avec ceux de la protonthérapie dans le traitement du cancer de l’œsophage. Si cette étude clinique démontrait que la protonthérapie apporte également un avantage dans le cas de ce cancer, les patients pourraient recevoir un traitement de routine au PSI. Le cancer de l’œsophage se retrouverait alors durablement sur la liste d’indications de l’Office fédéral de la santé et les caisses d’assurance maladie prendraient en charge les coûts de la protonthérapie