Du courant à la demande

Quand les installations photovoltaïques et éoliennes produisent plus de courant que le réseau ne peut en absorber, cette précieuse énergie est perdue. Grâce à la plateforme ESI, des chercheurs du PSI étudient la contribution que les piles à combustible sont susceptibles d'apporter pour permettre une exploitation ciblée de cette énergie, en passant par le stockage.

A la plateforme ESI, des chercheurs emmenés par Felix Büchi étudient dans quelle mesure les piles à combustible peuvent contribuer à améliorer l'efficacité de l'approvisionnement énergétique avec du courant issu d'installations photovoltaïques et éoliennes. (Photo: Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)
Vue sur l'intérieur du container de test: l'installation est composée de quatre systèmes de piles à combustible. Chacune de ces piles est constituée à son tour de 234 cellules individuelles.
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Le réseau électrique ne peut pas stocker d'énergie. Mais la nature n'en a cure. Ainsi, suivant la météo, l'heure de la journée et les saisons, les installations photovoltaïques et éoliennes produisent des quantités fluctuantes de courant. Lorsque le soleil et le vent se montrent trop généreux et que le courant n'est pas utilisé, les exploitants du réseau n'ont pas d'autre choix que de limiter la production de ces installations.

Stockage intermédiaire du courant excédentaire

Pour éviter que cette énergie importante ne soit perdue, des chercheurs du PSI étudient sur la plateforme ESI (Energy System Integration) différentes voies pour stocker l'électricité fournie par les installations photovoltaïques et éoliennes en période d'excédent, et faire en sorte qu'elle soit exploitable au besoin. L'objectif des scientifiques est de sonder le potentiel de ces différents procédés résumés dans la formule power to X en termes d'exploitation industrielle.

La plateforme ESI offre l'infrastructure nécessaire pour effectuer des évaluations de ce genre. Pour tous les procédés étudiés, la première étape est la même: si l'on veut rendre l'énergie contenue dans le courant stockable à long terme, il faut commencer par la transformer. Cette transformation s'opère dans ce qu'on appelle un électrolyseur. Le courant excédentaire y est utilisé pour produire de l'hydrogène et de l'oxygène à partir de l'eau. Une fois purifiés, ces deux gaz sont stockés sur place dans des réservoirs. Cela permet de les conserver aussi longtemps qu'on le souhaite et de les réutiliser au besoin par la suite.

Reconversion en courant par piles à combustible interposées

En ce qui concerne l'utilisation qui en est faite ensuite, plusieurs voies sont possibles. L'une d'elle passe par des piles à combustible. Ces dernières effectuent le processus inverse de l'électrolyse pour produire à nouveau du courant électrique à partir des deux gaz (hydrogène et oxygène).

En collaboration avec l'entreprise fribourgeoise Swiss Hydrogen, des chercheurs du PSI ont installé un container de test à la plateforme ESI. Leur but: étudier le potentiel industriel de la pile à combustible pour exploiter l'énergie excédentaire issue des installations photovoltaïques et éoliennes. Ce container simule un environnement industriel à petite échelle. Comme un système de piles à combustible ne produit pas assez de courant à lui seul, le container abrite plusieurs systèmes interconnectés. En laboratoire, nous ne pouvons tester ni des systèmes de piles à combustible de la taille nécessaire, ni leur comportement en environnement d'exploitation industrielle, résume Felix Büchi, responsable du Laboratoire d'électrochimie au PSI, pour expliquer la raison de ce passage du laboratoire à la plateforme ESI. L'installation de piles à combustible dans le container de test est composée de quatre systèmes de piles à combustible. Chacune de ces piles est constituée à son tour de 234 cellules individuelles. Elle est suffisamment grande pour permettre une première extrapolation vers une application industrielle et répondre aux questions scientifiques qui ne peuvent pas être simulées en environnement de laboratoire.

La rentabilité est décisive

Point particulier: à la plateforme ESI, les chercheurs disposent d'oxygène pur pour l'exploitation de leurs piles à combustible. Grâce à l'oxygène pur, il est possible d'atteindre un meilleur rendement qu'avec des piles à combustible comme celles qui sont utilisées d'habitude dans les véhicules et utilisent l'oxygène présent dans l'air, souligne Felix Büchi.

Le rendement indique la part de l'énergie d'origine encore disponible au terme des différentes étapes de transformation. Objectif visé à long terme pour la transformation courant-gaz-courant en passant par les piles à combustible: un rendement de 50%. Plus le rendement est élevé, plus les pertes énergétiques sont faibles et donc plus les coûts de l'ensemble du processus sont bas. Car, au final, ce sont les coûts qui décident si la réalisation d'une technologie est raisonnable sur le plan économique, poursuit Felix Büchi. La durée de vie et le rendement constituent donc des facteurs significatifs pour la rentabilité des piles à combustible. De fait, la question de savoir comment améliorer ces deux aspects est un sujet de recherche important à la plateforme ESI. Dans la comptabilité analytique, il faut par ailleurs prendre en compte certains investissements au niveau de l'infrastructure, comme le stockage de l'oxygène, un autre point important que les chercheurs doivent inclure dans leur évaluation du potentiel industriel.

Du courant à la demande

Différentes applications sont possibles pour le courant produit à partir d'hydrogène et d'oxygène pur par le biais de la pile à combustible. Lorsqu'il y a trop peu de courant dans le réseau, il peut y être réinjecté. Un autre champ d'application se dessine avec l'augmentation de la mobilité électrique. Les véhicules électriques à batteries nécessitent des bornes haute performance pour pouvoir être rechargés rapidement. A l'avenir, ce besoin croissant pourrait surcharger les réseaux électriques, estime Felix Büchi. Avec les piles à combustible, il serait possible de produire le courant juste au moment où le client veut recharger sa batterie. Un système de piles à combustible alimentées en hydrogène et en oxygène pur pourrait aussi être utilisé pour assurer un approvisionnement ininterrompu en électricité, particulièrement nécessaire pour les infrastructures critiques comme les centres de traitement des données, les hôpitaux et les centres de contrôle du trafic.

La plateforme ESI au PSI

La plateforme ESI a été mise en service à l'automne 2016. L'objectif poursuivi, en étroite collaboration avec des partenaires de la recherche et de l'industrie, est d'étudier et de développer la faisabilité technique et économique de différentes variantes de technologie power-to-x et d'utilisation efficace de l'énergie de la biomasse. La plateforme est ouverte aux partenaires de l'industrie. Hormis la technologie des piles à combustible, on teste actuellement deux procédés de méthanisation de la biomasse à la plateforme ESI.

Texte: Institut Paul Scherrer/Martina Gröschl

Informations supplémentaires
La plateforme d'essai ESI, de nouvelles voies vers le système énergétique du futur
Contact
Dr Felix Büchi, responsable du Laboratoire d'électrochimie,
Institut Paul Scherrer, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 24 11, e-mail: felix.buechi@psi.ch